Une réunion d’information avec les membres du Conseil exécutif sur la science pour un développement durable a été organisée le mardi 9 décembre en salle X. Cette réunion était organisée dans le cadre de la série de rencontres prévue par la décision du Conseil exécutif sur « l’UNESCO à 70 ans et perspectives d’avenir » (décision 194 EX/31).

Les invités d’honneur lors de ce débat étaient:

  • M. Jörg HACKER (Allemagne), Président de l’Académie nationale des Sciences - Leopoldina;
  • Mme Reiko KURODA (Japon), Professeur à l’Institut de recherche pour la Science et la Technologie, Université des Sciences de Tokyo;
  • M. Wole SOBOYEJO (Nigéria), Président de l’Université africaine des Sciences et de la Technologie (AUST).

Discours d’introduction du Président du Conseil :

Dans son discours d’introduction, le Président a tout d’abord tenu à rappeler que suite à la Conférence Rio + 20  qui s’est tenue en juin 2012, les États membres de l'Unesco ont réfléchi à la façon dont l’étude de la «science de la durabilité» pourrait être renforcée, et ensuite intégrée dans les travaux de l'UNESCO. Il a déclaré que la réflexion devait être approfondie à la fois au niveau national et international, dans le cadre de l’ONU, afin que puissent être apportées des réponses concrètes aux problèmes environnementaux et sociétaux. En effet, la Science peut avoir un impact positif sur des problèmes tels que le changement climatique, les catastrophes naturelles, la perte de la biodiversité ou l'instabilité sociale. C’est pourquoi la politique doit impérativement concevoir et mettre en place des programmes fondés sur la science. Le président a affirmé que le développement de la Science permet une meilleure compréhension, contribue à trouver des solutions aux défis économiques, sociaux et environnementaux d'aujourd'hui et à la réalisation du développement durable et des sociétés vertes. Il est nécessaire de relier science et société d’une part, mais il est également nécessaire de diffuser cette science au sein des individus et de faire participer les citoyens dans le domaine de la Science. C’est seulement ainsi que pourront naître des sociétés dans lesquelles les individus auront les connaissances suffisantes pour pouvoir faire des choix responsables, qui auront un impact sur leur vie, leur environnement, et le monde qui les entoure. Enfin, il a mentionné l’existence de systèmes de connaissances indigènes, qui, développés en interaction avec la nature, viennent compléter les systèmes basés sur la science.

 

Discours de Monsieur D’Orville au nom de la DG :  

Monsieur d’Orville a pris la parole au nom de notre DG, Madame Irina Bokova. Il a tout d’abord rappelé la mise en place par le Secrétaire général des Nations Unies d’un Conseil scientifique consultatif, crée dans le but de renforcer les liens entre sciences et politique. Il réunit des scientifiques de renommée internationale et servira de référence mondiale pour ce qui est de l'amélioration des liens entre science et politiques publiques. Il s’agit du premier organisme mis en place pour influencer l’action de la communauté internationale en matière de développement durable et d’éradication de la pauvreté. Ce conseil se réunit deux fois par an, et un rapport de synthèse (Eng) a été publié la semaine dernière.  Dans ce contexte, les troisièmes et quatrième réunions d’information au sujet des « Sciences et du Développement durable » de ce mardi 9 décembre viennent à point nommé. Elles pourront également permettre d’affuter les opinions du Conseil Consultatif. Monsieur D’Orville a finalement souligné la nécessité de renforcer  la communication et la confiance entre les scientifiques et les politiques. Ainsi, certains domaines politiques pourraient bénéficier des contributions scientifiques, et ce au service du développement durable.

 

Présentation de Madame Reiko Kuroda, Professeur à l’Institut de Recherche des Sciences et des technologies de l’Université de Tokyo

Madame Kuroda s’est attachée à décrire le développement durable d’un point de vue scientifique, et à expliquer les conséquences qui auraient lieu si des changements radicaux n’étaient pas réalisés. Elle a fait remarquer que la «science» était mentionné de nombreuses fois  dans les 17 objectifs de développement récemment proposés, mais qu’il n’existait pas d’objectif spécifique, portant précisément sur la science. Le professeur Kuroda a appelé à une meilleure compréhension à la fois des phénomènes naturels, des conséquences du changement climatique pour le futur, mais aussi de ce qui doit être fait afin de léguer une planète saine aux générations à venir. Elle a ainsi déclaré que « nous souhaitons conquérir la nature, alors qu’il faudrait s’en rapprocher.» À cet égard, elle a souligné l'importance de la recherche scientifique, qui peut aider à relever les défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés et à prédire l’avenir. Selon Madame le professeur Kuroda, pour résoudre les problèmes de notre planète, il nous faut surtout de véritables avancées technologiques. Elle a fait remarquer que la croissance de la population venait aggraver et accélérer les problèmes liés aux ressources, à l’épuisement des sources d’énergie et à la dégradation de l’environnement. Pour conclure, Madame Kuroda a appelé à un renouvellement de la confiance en la science, qui doit s’accompagner de la conscience des limites de celle-ci. En effet, la science est incapable de prévoir certains effets à longs termes ainsi que certaines conséquences indirectes. En fin de compte, si le rôle des scientifiques est bien de fournir des preuves aux décideurs politiques, il reste à déterminer sur qui repose le rôle d’évaluer, de juger les décisions des politiques et de leurs conséquences.

 

Présentation de Monsieur Whole Soboyejo, Président de l’Université africaine de Sciences et de Technologies :

Monsieur Whole Soboyejo a tout d’abord déclaré que le développement durable devait se faire au service du bien-être et de l’humanité. Lors de sa présentation, il s’est attaché à présenter des études de cas sur les problèmes d’énergie solaire et d’eau dans les pays en développement. Dans ces pays, l’énergie solaire est fondamentale, afin de subvenir aux besoins de base en énergie (notamment pour la lumière, les téléphones, la radio ou la télévision). Ces besoins fondamentaux doivent être couverts pour assurer le bien-être de ces habitants, qui est souvent bien en deçà du niveau de bien-être dans les pays développés. Le professeur Soboyejo a ainsi présenté des solutions ayant déjà été mises en places, comme les stations de recharge solaire mises en place dans certaines communautés. Selon lui, il est nécessaire de passer de ces projets locaux à des projets d’un niveau national, qui pourraient permettre de répondre aux besoins énergétiques de bases de l’ensemble des populations. Il a également évoqué le problème de la contamination des eaux, et de sa consommation, qui tue d’avantage de personnes que des fléaux tels que le VIH ou le paludisme : plus de 5000 personnes par jour. Ce problème est d’autant plus aggravé du fait de la vulnérabilité des jeunes enfants face aux maladies de diarrhée et de fièvre typhoïde, qui tuent jusqu'à 20 pour cent des enfants dans certaines communautés. L’installation de filtres à eau en céramique dans ces pays est une des solutions proposées par le professeur Soboyejo. Ces filtres sont fabriqués à partir de mélanges d'argile et de sciures de bois, et viennent éliminer plus de 99,9% des agents pathogènes microbiens présents dans l’eau. Aujourd’hui, des usines produisent et commercialisent ces filtres, qui sont désormais une option durable pour la fourniture d'eau potable aux populations des communautés n’ayant pas d’accès à l'eau potable. Il a finalement déclaré que l’instauration d’une coopération efficace était nécessaire, afin que ces solutions soient reprises, et puissent venir répondre aux besoins de l’ensemble de la population des pays en voie de développement.  

 

Intervention de Monsieur Jörg Hinrich Hacker, président de l'Académie allemande nationale des sciences – Leopoldina

Dans son intervention, Monsieur Hacker a mis en exergue le lien existant entre la science et la politique, et a démontré que le développement de la science, des technologies et des innovations était cruciale pour la réalisation du développement durable et pour l’éradication de la pauvreté. Il a déclaré que les scientifiques et les décideurs politiques se devaient de travailler en étroite collaboration, afin que soient mis en œuvre conjointement des objectifs de développement durable.  Selon lui, pour que l’agenda post-2015 amène de réels changements,  l’interaction entre les différents domaines d'intervention des objectifs de développement durable doit toujours être gardée à l'esprit. Monsieur Hacker a également déclaré qu’une approche scientifique intégrée, fondée sur la collaboration entre tous les domaines de la science devait être mise en place. Il a fourni un exemple concret de la façon dont l'Allemagne a déjà mis en œuvre des politiques de développement durable, notamment dans le cadre de la stratégie pour le développement durable élaborée en 2002. Il a conclu en rappelant l’importance de la science dans le développement durable, la science étant « une langue universelle, permettant d’abandonner les frontières nationales. » Il a également insisté sur la nécessité de renforcer l'interface science /politique.

 

Séance de Questions-réponses :

Au cours de la séance de Questions-Réponses, les délégués ont évoqué les points suivants :

Le développement durable au sein des pays en voie de développement :

L’Ambassadeur de la Guinée a demandé l’avis des scientifiques sur l’affirmation qui déclare que le développement durable ne peut être envisagé dans certains pays, notamment car certaines bases, comme l’éducation, n’était pas assez développées.

En réponse, le professeur Soboyejo a affirmé que le développement durable devait comprendre l’ensemble des pays. Dans certains pays, il est nécessaire de veiller à la fois au développement des bases de la société et à un développement durable.

La nécessité d’une plus grande communication des découvertes scientifiques :

L’Ambassadeur des Pays-Bas a fait remarquer qu’il était nécessaire d’améliorer la diffusion des découvertes scientifiques, qui pourraient être diffusées grâce à l’action des journalistes, notamment.

Madame Kuroda a approuvé cette affirmation et a souligné l’importance du rôle des « vulgarisateurs de Science.» Elle a également déclaré avoir créé un programme de formation de vulgarisation de la Science au sein de l’Université de Tokyo.

Le professeur Hacker a, pour sa part, présenté la possibilité offerte par son Académie de former les journalistes dans le domaine des sciences, afin qu’ils soient plus à même de diffuser correctement les informations.

La nécessité d’une application pratique des découvertes scientifiques :

L’Ambassadeur de la Gambie a pris la parole pour déclarer que les progrès scientifiques devaient être introduits de façon durable dans les sociétés, et qu’ainsi les communautés devaient être utilisées comme des « laboratoires » afin de démystifier et de rendre utiles les découvertes scientifiques.

Madame Kuroda a confirmé approuver ce point de vue : l’usage des sciences pourrait bel et bien atténuer la pauvreté et favoriser le développement durable.

L’Institut Mandela :

Les Ambassadeurs du Gabon et du Togo sont intervenus afin d’obtenir des clarifications au sujet de l’Institut Mandela : sur les critères à remplir par les scientifiques et sur le procès de sélection des étudiants.

Le professeur Soboyejo a expliqué le processus de création des Instituts, ainsi que la façon dont les chercheurs pouvaient apporter leurs contributions. Quant à la sélection des candidats, celle-ci se fait par un concours, qui permet de recruter les meilleurs étudiants.

Le vieillissement de la population :

L’Ambassadeur du Gabon s’est interrogée sur la viabilité de la possibilité de départs à la retraite à 60 ans au sein d’une société de plus en plus vieillissante.

En réponse, le professeur Hacker a déclaré que bientôt, en Chine, au Brésil et en Inde, « plus de 20 pourcent de la population aura plus de 60 ans.» Néanmoins, il faut relativiser cette donnée car les individus vieillissent, mais les individus restent en bonne santé, et donc pourront travailler plus longtemps s’ils le souhaitent.